Le malade imaginaire

Intentions de mise en scène

L’aventure avec les marionnettes continue ! Notre intention, comme toujours, est de servir l’oeuvre au plus près de ce qu’elle semble vouloir nous dire. Le traitement formel original que nous allons faire du Malade en mêlant comédiens et marionnettes ne saurait en rien nous éloigner du message profond qu’elle recèle.

Molière ne se livre pas comme ça : il faut l’analyser, le lire et le relire, mais surtout le jouer et le rejouer pour que petit à petit se révèlent à nous des vérités, des messages qui sont parfois délicieusement camouflés, comme nous l’avions découvert en montant Le Misanthrope (2011).

Molière après l’Ecole des femmes et surtout Tartuffe risquait sa vie à chacune des ses pièces, c’est pourquoi il est passé maître dans l’art de dissimuler ses convictions les plus révolutionnaires, les plus subversives. C’est ainsi que par exemple L’impromptu de Versailles et Amphitryon sont des oeuvres qui recèlent des secrets que seule une analyse inter-textuelle peut révéler.

Dans Le Malade imaginaire, il y a peu de textes cités, mais des références à la commedia, à des pastorales dans le prologue et les intermèdes et au personnage de Molière lui-même.

Nous ne monterons pas, bien évidemment, ni prologue, ni intermèdes, mais nous ne manquerons pas d’interroger chacun de ses éléments pour en comprendre leur signification par rapport aux scènes théâtrales.

Il est certain que les fastes offerts à Louis XIV fonctionnaient en antithèses : Molière oppose la pastorale, en pleine nature, vaste, joyeuse, solaire à l’univers sombre, intime, confiné et tourmenté du Malade. Un peu comme si le but était pour Toinette, Béralde et Angélique d’entrainer le père à sortir de sa chambre pour gagner la campagne bucolique des bergers en criant : je ne suis pas mort, je ne suis pas mort !

On voit à quel point ce dernier propos correspond à merveille avec notre situation de raconter le malade au Crève-Coeur, situé au milieu de la campagne genevoise !

Mon but est de monter le malade comme s’il s’agissait de le guérir et de prendre chaque scène comme un pas vers la guérison. La profusion des marionnettes, des travestissements sont autant de remèdes qui font pendant aux traitements de la médecine officielle.

La pièce au deuxième acte sature de scènes imbriquées les unes dans les autres, de théâtre dans le théâtre qui peuvent étourdir le malade qui doit avoir de la peine à démêler le vrai du faux.

Le deuxième acte sera à dessein très baroque, bariolé, joyeux, dansé, mêlant nos différentes marionnettes aux personnages, comme si le malade était hanté, possédé, mais nos marionnettes disparaîtront à la fin de l’acte III pour laisser place – scène,11,12,13 et 14 – au mélodrame le plus touchant qui soit : la guérison du malade.

Le choix du lieu : Un théâtre intimiste pour guérir

L’intimité du jeu théâtral induit par la proximité du public devrait donner à notre malade une force de percussion inédite : il nous faudra nous occuper autant du malade que du public, c’est à dire que ce dernier devrait ressentir physiquement toutes les actions « purificatrices », « exorcisantes » auxquelles vont se livrer la sarabande des personnages tournant autour du malade.

L’histoire que nous raconterons est l’histoire d’une troupe joyeuse de quatre comédiens et leurs marionnettes racontant Le malade imaginaire. Mais il ne s’agira pas de noyer le grave propos du malade sous une folle sarabande carnavalesque, au contraire, il s’agira par antithèse de faire résonner subtilement ce que le malade a à nous dire de plus profond.

Nous aurons la chance de disposer du théâtre dès le début de nos répétitions, à savoir que dès le 31 juillet, nous commencerons méthodiquement et quotidiennement, toute la troupe réunie, à faire des lectures entières du Malade pour prendre la mesure des choses, de l’espace et de la tâche narrative et théâtrale qui nous attend.

À nous de trouver chaque jour, les moyens de rendre le malade dans son entièreté, en tâchant de coller au plus près du sens de l’oeuvre, rendant vraisemblable chaque scène, trouvant des astuces, créant les ellipses nécessaires, passant du jeu naturaliste des comédiens à celui, plus magique, plus hanté de nos petites effigies.

Cet univers hanté, fantastique sera celui de notre malade imaginaire et imaginant : il ne sera rendu à la raison que lorsque les cérémonies curatives, les danses, les farces autour de lui auront fait leur effet:

Il finira par crier, guéri, enfin : Je ne suis pas mort !

Voilà où nous voulons en venir : à cette guérison miraculeuse opérée par un exercice savant, physique et chorégraphique du théâtre. Danses, farces, bouffonneries devant s’exercer aussi sur la sensibilité – mise à joyeuse épreuve – du public.

Ce spectacle est co-produit par le Théâtre du Crève-Coeur et le Théâtre de Marionnettes de Genève.

Théâtre du Crève-Coeur

Du 24 septembre au 20 octobre 2019

Théâtre de Marionnettes de Genève

Du 27 octobre au 8 novembre 2020